Il y a 500 ans, au Japon, vivait un seigneur bien maladroit. Tellement maladroit qu’un jour, en buvant son thé, le bol lui glisse des mains et se brise en morceaux. Hélas, il s’agit de son bol préféré. Pas question de le jeter !

Comme ce bol vient de Chine, le seigneur se dit qu’il faut le renvoyer là-bas pour le faire réparer. Les artisans qui l’ont fabriqué trouveront bien une solution ? Cela représente un long voyage pour un si petit bol, surtout à cette époque, alors que l’avion ou le bateau à moteur n’existent pas. Mais tant pis : le seigneur japonais aime trop cet objet pour l’abandonner.

Katsushika Hokusai, un bol avec une cuillère, entre 1830 et 1850

Après une longue attente, le bol est de retour en un seul morceau. Mais, horreur, les artisans chinois l’ont reconstitué avec de vilaines agrafes en métal. En plus, avec cette technique, plus possible de s’en servir : dès qu’un liquide y est versé, le bol se met à fuir.

Mais le seigneur ne veut pas baisser les bras. Il demande aux plus grands artisans du pays de trouver une solution. Et justement, ils ont une très bonne idée : utiliser de la sève d’arbre.

C’est la technique de la laque. Elle sert d’habitude à déposer une couche brillante et colorée sur un objet. Mais cette fois, la laque sert à recoller les morceaux. Puis, une fois que tout est bien fixé, on dépose de la poudre d’or sur la dernière couche de sève.

De cette façon, les cicatrices du bol se voient beaucoup, mais comme elles sont en or, l’objet est encore plus beau ! D’ailleurs, cette technique de réparation est appelée « jointure d’or » (kintsugi en japonais).

Bol avec kintsugi, Epoque Edo (1600-1868)

Est-ce que l’histoire de ce seigneur qui brisa un jour son bol préféré est vraie ? Ce n’est pas certain, il s’agit peut-être d’une légende. Mais ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’à force de patience, les artisans japonais de cette époque ont trouvé une façon de ne pas jeter des objets brisés et même, de les rendre plus beaux que lorsqu’ils étaient entiers !