Satanée Dionée !

JD Valentine

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JD Valentine

Dionée, la plante attrape-mouches de Nicolas, a une faim de loup.
Sa large bouche aux dents pointues s'ouvre et se ferme aussitôt. CLAC, CLAC, CLAC !!! Un bruit sec et tranchant, qui craque et qui croque. Elle lui donne la chair de poule. Nicolas se sent pris au piège. S'il ne la nourrit pas, elle va finir par tout dévorer sur son passage ! Affolé, le pauvre garçon ne sait plus quoi faire avec cette monstrueuse plante carnivore.
1) L'abandonner ? Trop cruel !
2) La donner au gentil fleuriste qui tient une boutique juste à côté de chez lui ? Un cadeau empoisonné !
3) Lui expliquer qui commande dans cette histoire ? À l'évidence, c'est elle la cheffe !

« Dire qu'au début, je trouvais ça presque marrant », soupire-t-il avant de se souvenir de ses horribles cauchemars où Dionée l'avale d'un coup. GLOUPS ! Il se rappelle encore la première fois qu'il est tombé sur elle. Jamais il ne s'était aventuré si loin de la maison. Avec Alice, sa cousine, ils jouaient à cache-cache. Nicolas gagne toujours à ce jeu. Il trouve les meilleures cachettes et il sait se faire très discret quand il le veut. Pendant cette partie-là, il s'était faufilé dans le vieux cabanon abandonné, au fond du jardin. C'est là qu'il a trouvé Dionée. À cette époque, elle ne mesurait que quelques centimètres, pas plus. Elle était vraiment minuscule et sans défense. Inoffensive. Enfin, c'est ce qu'il croyait, avant qu'elle ne lui morde méchamment les fesses à travers son short ! Bon, Nicolas l'avait bien cherché : il s'était assis sur elle et l'a presque écrasée.
— Tu ne peux pas faire attention ?! lui dit Dionée.
— Je n'ai pas fait exprès ! répondit Nicolas.
— J'ai faim. J'ai horriblement faim ! Apporte-moi une mouche ou deux ! Allez, trois, ça fera l'affaire ! Ou des moustiques, c'est bon aussi, les moustiques !
Elle se léchait les babines avec appétit. Il se souvient très bien de ce moment. D'une voix tremblante, Nicolas a promis de revenir pour lui donner à manger. Quelle erreur !

Heureusement qu'Alice est là pour l'aider à capturer les bestioles. Armés de leurs épuisettes, ils attrapent tous les insectes qui leur tombent sous la main. Moucherons, petites araignées, cousins, gendarmes... Il faut qu'ils soient vivants pour qu'elle s'amuse un peu avec eux. Sa mâchoire se referme très vite sur ses proies qui lui chatouillent gentiment le gosier avant de tomber dans son super estomac. BEURK, dégoûtant ! Pourtant, c'est la vie, il y a toujours ceux qui mangent et ceux qui sont mangés.

Dionée fait un mètre de haut, maintenant ! Nicolas et Alice commencent à avoir très très peur d'elle. La gloutonne grogne si fort que les voisins croient qu'un chien dangereux rôde dans les parages. Mais non, elle réclame. GRRRR ! GRRRRRR ! Plus elle dévore, plus elle grandit. Elle qui était une si belle et si petite plante carnivore ! Et plus elle devient grosse, plus Dionée ressemble à une ogresse prête à dévorer les enfants, tout droit sortie d'un mauvais conte de fées.
Sa gourmandise n'a plus aucune limite ! Beaucoup de choses disparaissent mystérieusement autour du cabanon. Les bottes en caoutchouc, la bâche en plastique qui la recouvrait et même la vieille trottinette de Nicolas ont toutes été mâchouillées.
— Je te dis que c'est elle, chuchote Alice. L'autre fois, j'ai laissé un sac de bonbons vide pour vérifier. Bizarrement, elle avait un morceau de plastique coincé entre les dents le lendemain.
— Tu racontes n'importe quoi ! Avoue que tu as la frousse.
— Pas du tout. Dionée ne peut pas courir, à ce que je sache ! Mais il faut qu'on le dise à tes parents. Ils sauront quoi faire.

Alice a toujours réponse à tout ! Elle fait la maline devant Nicolas qui a eu le malheur de naître un mois après elle. Lui n'aime que la nature, les animaux, les jeux de bébé, comme elle dit ! Mais, cette fois-ci, il ne va pas se laisser faire ! Hors de question !

— Écoute, c'est moi qui l'ai trouvée, alors c'est moi qui décide. J'ai déjà une petite idée pour découvrir si Dionée mange vraiment tout ce qui traîne. J'ai vu un reportage, un jour, sur les requins-tigres, on les appelle aussi « poubelles des mers ». Si ça se trouve, Dionée est pareille.
— Et ensuite... Qu'est-ce qu'on fera avec elle ?

Et ce qui devait arriver arriva...
De leur poste d'observation, les deux cousins voient Dionée engloutir les plastiques, emballages, épluchures qu'ils ont éparpillés autour d'elle. Sa super mâchoire les broie sans difficulté. Un vrai carnage ! Puis, elle se retourne pour faire face à Nicolas et Alice. Ils ont envie de crier « À l'aide, au secours ! », mais les mots restent coincés dans la gorge. « Oh non !!! ». Dionée sourit de toutes ses dents et dit :
— Merci pour ce festin, les amis.
— Tu ne vas pas être malade à force ? lui demande Nicolas.
— T'inquiète, je gère mon Nico La-Do-Ré. Ma nourriture, je la recycle.
— Je voulais aussi te demander... Tu vas encore beaucoup grandir ? bégaie Alice.
— J'ai atteint ma taille adulte, chère Alice délice. Alors, pas la peine de t'en faire. Je sais que j'ai un caractère de cochon et que j'ai l'air féroce. Mais, je ne suis pas méchante au fond.

Depuis ce jour, Dionée fait partie de la famille. Elle est une formidable plante de compagnie. Tout le monde l'a immédiatement adoptée. Serviable et efficace, l'énorme plante sert aussi de poubelle jaune, de poubelle verte, de poubelle bleue. Il ne manque plus que la poubelle à verre, mais faut pas exagérer, quand même !

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Image de Satanée Dionée !
Illustration : Mathilde Ernst

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